La forteresse de Chinon au coeur de l’empire Plantagenêt :
du palais d’Henri II aux fortifications de Jean sans Terre
La conférence proposée aura pour focale une des périodes les plus fastes et mouvementées
pour la forteresse de Chinon : les quelque cinquante années qui ont vu se succéder de grands
travaux entrepris par Henri II Plantagenêt puis ses fils Richard Coeur de Lion et Jean sans
Terre, avant que le roi de France Philippe Auguste ne s’empare des lieux en 1205. À cette
époque, Chinon est une des plus importantes forteresses Plantagenêt, et même de France.
Les fouilles archéologiques qui y ont été menées de 2003 à 2010 ont permis de restituer
cette période de grandeur.
Quand il devint maître de la forteresse en 1156, Henri II décida de faire de Chinon une des
capitales les plus importantes de la partie continentale de son empire, qui s’étendait alors de
l’Écosse aux Pyrénées, puisqu’il était aussi roi d’Angleterre. Il améliora les fortifications par
de nouvelles tours, mais, surtout, il fit construire un palais, c’est-à-dire un ensemble de
bâtiments destinés à assurer les fonctions administratives de son pouvoir et l’exercice de ses
prérogatives. Comme les palais de cette époque, il était composé d’une très grande salle où se
déroulaient fêtes et audiences (seule celle de Westminster, sa capitale anglaise, était plus
importante), de bâtiments administratifs et de résidence, et d’une chapelle. Cette dernière était
consacré à saint Georges, patron des chevaliers, et elle a laissé son nom à cette partie de la
forteresse : le fort Saint-Georges. Jusqu’à ce moment, le palais des Plantagenêts en Touraine
était à Loches, comme les fouilles archéologiques en cours l’ont révélé. Loches était une gigantesque
forteresse, avec le plus gros donjon du monde à l’époque, qui défendait sur la vallée
de l’Indre la frontière orientale du domaine plantagenêt. Henri II préféra sécuriser son palais
en retrait de cette frontière, notamment pour protéger son trésor, qui fut entreposé à Chinon
à partir de 1163.
Après la mort d’Henri II en 1189, à Chinon, son fils Richard Coeur de Lion prend possession
des lieux. Tout en gardant sa vocation administrative, il entreprend de restructurer le site pour en
renforcer la capacité défensive. En effet, la tension monte entre le Plantagenêt et Philippe
Auguste, roi de France depuis 1180, qui se verrait bien unifier la France sous son sceptre. Son
frère Jean sans Terre, qui lui succède en 1199, poursuivra ces travaux. Un effort constructif
formidable est alors réalisé entre 1190 et 1202. Il porte principalement sur le palais d’Henri II,
qui n’avait pas été conçu comme une fortification, grâce à l’ajout de grosses tours et de
remparts massifs. Il aboutit à la transformation de la forteresse en trois « châteaux » distincts :
deux ensembles fortifiés flanquent le château central à l’est et à l’ouest, véritables « avantchâteaux
» qui doivent retarder l’adversaire et entraver la progression des machines de guerre.
Cette solution fut adoptée en 1197-1198 au Château-Gaillard, sur la Seine, château célèbre
de Richard Coeur de Lion défendant la Normandie contre le roi de France.
Malgré tous ces efforts, Philippe Auguste parvint à prendre la forteresse en 1205, au bout
d’un siège d’un an. Il continua les perfectionnements militaires du site jusqu’à sa mort ; puis
le château ne connut plus de bouleversements architecturaux, mais principalement des
améliorations de confort lors des séjours royaux du XVe siècle.